TRENTE-DEUX VOIX SUSPENDUES
- cpscnb
- Oct 10
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Updated: Oct 11
Plafond de vers iii
Salle Bernard-Leblanc
Centre culturel Aberdeen
Jeudi 9 octobre 2025
Comment décrire ce qui frémit, ce qui vibre, ce qui perturbe ou étonne, ce qui persiste fugacement dans l’espace avant de se dissiper ? L’analyse attentive des instants et des pauses révèle néanmoins un phénomène précis : Trente-deux présences singulières, chacune distincte, chacune suspendue, presque palpable, comme si l’air lui-même conservait leur empreinte un moment avant qu’elles ne s’évanouissent. L’observation initiale suggère que le titre s’est imposé comme un élément déterminant et complexe à appréhender. Chaque terme, lorsqu’examiné isolément, apparaissait insuffisant pour englober l’intensité poétique, humaine, des présences et trop léger pour supporter le poids des ombres et des résonances environnantes.
Jeudi 9 octobre 2025, salle Bernard-Leblanc du Centre culturel Aberdeen. Il est vingt heures. Dans la dernière rangée, je m’assieds. Devant moi, la salle se tait, et quelque chose éclot : la vie, juste là, dans son éclat le plus nu. Trente-deux femmes déambulaient sous l'ovation tremblante et donc sincère du public, et les chaises semblaient s’incliner, toutes comblées. Chaque arrivée faisait vibrer le climat d’une fièvre douce, presque concrète. Coriace.
La lumière glissait sur les visages, caressait rides et plis des vêtements, comme si le temps lui-même voulait écouter. Trois ou quatre minutes par voix pour dire, l’indicible, l’invisible, l’incandescent, ce qui les traverse et les habite. Les mots s’épinglaient aux murs, s’infiltraient dans les entailles, s’alliaient aux respirations et aux murmures. Chaque texte devenait racine, chaque présence une fibre sensible, mais nécessaire, tissant un réseau imperceptible, silencieux, qui soutenait tout.
Les moments de calme étaient des intervalles précieux, flottant comme des sanglots de rosée avant l’averse salutaire. On sentait à la fois la masse et la légèreté du temps. Les chuchotements se ripostaient, se croisaient, formaient un chœur intangible qui passait de l’intime au cosmos. Les réactions n’étaient pas uniformes. Parfois, un rire se produisait, ponctuel, comme un stimulus dans le champ perceptif, provoquant des micro-oscillations corporelles et des ajustements subtils des postures. L’émotion, quant à elle, se diffusait progressivement, en flux lent et régulier, modulant les respirations, influençant la tension musculaire, et générant une onde ouvertement vulnérable à travers la salle. Ces manifestations collectives, bien que discrètes, indiquaient un engagement sensoriel et émotionnel profond des participantes, une synchronisation presque imperceptible entre la chair et l’espace environnant.
Plafond de vers n’était pas un simple spectacle. C’était un souffle, un écosystème vivant où intime et collectif s'immisçaient. Là, le personnel touchait l’universel, le ludique devenait incisif, et l’énergie féminine circulait, puissante et fragile à la fois.
On écoutait, non seulement avec l’oreille, mais avec le corps entier, chaque vibration se donnant comme indice d’un monde en suspens. Chaque voix se configurait en entité signifiante, chaque phrasé s’inscrivait dans la nasse des présences négociées. Dans cette trame liminale, entre parole et quiétude, la scène s’inventait en espace phénoménologique : sol habité, veine battante,— lieu où l’essence de la vie se révélait à travers l’attention, la résonance et l’humaine condition de l’instant.
Benoit d’Afrique, poète
Isabelle Cyr, direction artistique
Yves Marchand, direction musicale
FESTIVAL INTERNATIONAL DE SLAM/POESIE EN ACADIE
Liste des participantes et leurs textes :
Prologue Isa
Virginie Seba – Je me suis occupée de naître
Tamara – Ma voix
DJI Haché – Sous le ciel trop bas
Rita Auffrey – Poème d’été
Mogi – Dialogue amoureux
Manu Mainil – Petite Poucette
Anahita Shafie – Identité errante
Fée des bois – Gonzesse quelle plaie
Coraline Croas – Cravate
Ingrid Griotte des îles – Yé krik Yé krak
Isabelle Astier – Une mère résistante
Francine Boudreau-Guignard – Vieilles dentelles
Lolita Monga – Hommage à Sarah
Isabelle Cyr – La prière (chanson)
Julie-Anne Leblanc – La peau
Laura Schlichter – Prends ta place
Marianne V – Monstertruck
Lola Louve – J’ai la parole
Marielle Salmier – Maman sans condition22.
Theresa Mea – Chère Fortune
Marie-Malices – Transformation
Marie-Philippe Bergeron – L’autosabotage
Laure Bourdon – Le Changement
Zoé Levesque – Coup de foudre
Palina Kotsiashava – Dans mon ombre
Lucie Joy – Je t’ai menti
Céleste Godin – As-tu un poids idéal
Najwa Benchebab – Et les enfants c’est pour quand ?
Saba – Sorcières
Emmanuelle Meffray – Bulletin météo
Émilie Sciot – Étincelle
Gabrielle Colibri – Écoute
Épilogue Isa

Crédit photo : Rafaëlle Belorfey
Composition visuelle : Benoit d'Afrique

Crédit photo Rafaëlle Belorfey





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