Lundi 7 octobre 2024
Encore émue du spectacle auquel j’ai assisté hier à la petite église de Shippagan, Duo Forticello et Lhomé, je me prépare à écrire un texte sur la sauvegarde de la langue et la capacité du SLAM à rendre celle-ci attrayante et accessible.
Le lien entre sauvegarde et SLAM est, à mes yeux, évident puisque l’une s’inscrit dans l’ADN de l’autre. Le SLAM est, par-delà ses trois règles : durée 3 minutes, à capella et sans décor, un espace inclusif où être soi, faire entendre sa voix sans peur, sans pudeur. C’est le lieu d’une parole partagée et déclamée où chacun y amène sa poésie. Le, la Slameureuse n’a que les mots comme rempart, alors il, elle joue avec la langue! Sauvegarde la langue en sauvegardant sa propre langue, humaine et intime. La sauvegarde de l’un, sauve et garde l’autre.
Pour me mettre dedans, m'inspirer et y voir de l’intérieur, je participe à un atelier de SLAM offert par Lhomé aux élèves de l’école l’Escale des jeunes de Bas-Caraquet, dans le cadre du FISPA.
Lhomé
Partie 1
Une classe de 7e et 8e année, 8h10 lundi matin.
Il est franchement tôt et la semaine commence à peine. Mon cœur voudrait déjà sentir l’excitation et la curiosité des jeunes. Malheureusement, aux questions, ils ne répondent pas et lorsqu’on réussit à les faire sortir de leur absence, la voix est creuse et inaudible.
Hé Oh les jeunes! Lhomé est devant vous, pour vous : La crème de la crème des Rappeur\ Slameur, il ne donne qu’un atelier au Canada, et c’est pour vous. J’enrage et surtout, je suis triste mais, j’y crois…. Le SLAM est attrayant pour les jeunes !!
À l'École L'Escale-des-jeunes de Bas-Caraquet
Rimes en oire
Histoire Comptoir
Pourboire Patinoire
Manoir Tiroir
Voir Entonnoir
Mangeoire Noir
Gloire Boire
Poire Mouchoir
Soir Devoir
Tout près de moi un corps trépigne un peu sur sa chaise, mon espoir s'éveille et je m’y agrippe…
Rime en ance
Distance Danse
Immense Grande Anse
Absence Présence
France Vacances
Constance Lance
Florence Balance
Malchance Avance
Tiens, voilà … ils se réveillent … SUB-TI-LE-MENT
Il faut se contenter de peu et voir plus loin que la salle de classe, 8h10 lundi matin. Voir plus profondément dans les têtes évachées sur la table, absorbées par le silence. Espérer qu’elles s’allument de l'intérieur. Accepter de ne pas pouvoir mesurer l’impact. Y croire simplement, continuer d’y croire simplement et insister malgré tout.
« Sur une musique, donne-moi des mots » :
« On prend des choses, en échange on donne »
Un jeune ose un petit « je ne comprends pas » et je me dis que c’est ça, ils ne comprennent pas la nécessité de cet échange entre, je prends et je donne.
Lorsqu’ils sortent de leur mutisme, la voix s’éteint dès le premier souffle, il faut tirer l’oreille pour comprendre. Mais pourtant, ils sont là, ils veulent, leur cœur bat.
Voici ce que, du fond de leur absence, ils nous livrent :
Je prends ta main, je donne ma confiance.
Je prends ta peine, je donne ma force
Je prends mon imagination, je donne un texte
Je prends ta douceur, je donne ma patience
Je prends le monde, je lui donne de l'amour
Surtout ne jamais cesser d’y croire, apprendre c’est le chemin de toute une vie.
Et 8h10 un lundi matin c’est tôt.
Michèle
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